Audierne
La saga des Cornic
corsaires du Roy


La saga des Cornic corsaires du Roy

Mais Audierne n'allait pas en rester là et voir ses bateaux attaqués par les Anglais sans réagir. Le 5 juin 1756, une nouvelle guerre éclate entre les éternels belligérants, c'est la guerre de 7 ans qui, une fois encore, oppose la France à L'Angleterre. On peut certes défendre et fortifier la ville mais cela n'empêche nullement les navires d'être pris par l'ennemi, on peut aussi « armer à la course », activité parfaitement légale et encouragée par le Roi car chaque prise affaiblit l'ennemi et puis, ça peut rapporter gros... Des fortunes se sont faites à Saint-Malo, Dunkerque, Granville ou Morlaix en armant à la course !


Une revanche à prendre

Certains à Audierne avaient aussi quelque revanche à prendre, comme par exemple Jean Louis Le Floch de Poulgoazec autrement dénommé « Poulgoazec-Le Floch », un riche négociant, armateur et aussi correspondant de plusieurs armements étrangers qui fréquentaient le port. Le 25 juin 1744, l'un de ses bateaux, Le Saint Joseph d'Audierne, chargé de fer, fut pris par le corsaire de Chichester L'Aventure, armé de 12 canons et 10 pierriers commandé par Thomas Israël; fort heureusement son navire fut repris deux jours après par La Valeur, corsaire de Nantes de 70 tonneaux commandé par Etienne Charron qui le fit conduire en baie de Douarnenez par J.M. Le Texier son enseigne. Naturellement cette aventure eut un coût certain et aussi un goût amer pour « Poulgoazec-Le Floch ».

Et c'est ainsi que le 13 octobre 1756 est accordée une commission de corsaire à Pierre Cornic du Pré, capitaine du navire « Le Lys », attaché au havre d'Audierne, cautionné par Jean Louis Le Floch de Poulgoazec qui entendait bien à cette occasion prendre sa revanche...

La période est bien choisie car, depuis le mois de mai de la même année une déclaration du Roi porte suppression du très contesté dixième de l'Amiral sur les prises autorisées à être vendues avec leurs cargaisons. Le bateau choisi pour cette campagne jaugeait 40 tonneaux, il était monté de 4 canons et de 10 pierriers et était servi par un équipage de 60 hommes. En recrutant son capitaine, Jean-Louis Le Floch de Poulgoazec n'avait pas pris le premier venu...

    

Le bateau choisi pour cette campagne était servi par un équipage de 60 hommes.

Le bateau choisi
était servi par
un équipage de 60 hommes.



La saga des Cornic

En effet, Pierre Cornic, Sieur du Pré, n'était pas un inconnu dans le milieu de la course et son histoire et celle de sa famille est une véritable saga... Originaire de Morlaix, il était le fils de Marthe Homon descendante d'une lignée d'armateurs et de marins et de Mathurin Cornic un ancien capitaine marchand de Morlaix, initiateur en cette ville du renouveau de la pêche à la morue « à la côte de Terre-Neuve, depuis longtemps abandonnée », occasionnellement corsaire du Roi, qui avait réussi dans le négoce et fortune faite, était devenu armateur.

son histoire et celle de sa famille est une véritable saga...

Charles Cornic-Duchesne
célèbre corsaire
frère de Pierre Cornic...

    

Après un rude apprentissage, Pierre avait obtenu ses lettres de maîtrise au grand cabotage le 7 novembre 1754. Avant d'être titulaire de ce titre envié, notre homme avait pas mal bourlingué et plus précisément, il avait navigué sur les vaisseaux du Roi, « La Sirène » comme volontaire d'honneur et « La Thétis », capitaine Fouquet armée en guerre contre les Maures comme pilotin surnuméraire puis sans solde sur les bâtiments marchands, notamment « La Sainte Marthe » commandée par son père et aussi comme enseigne sur « Le Duc d'Estillac », un corsaire commandé par le capitaine J.B. Le Camus.

Il était premier lieutenant sur « La Rosalie », sous les ordres du capitaine Le Pommelec, lorsqu'ils furent pris par les Anglais.

Ayant obtenu son échange, il avait, par la suite servi à partir du mois de mai 1745 comme premier lieutenant à bord du célèbre corsaire Morlaisien « La Comtesse de la Marck » armée par Mathurin Cornic et commandée par le redoutable Nicolas Authon... Formidable expérience que cet embarquement au cours duquel Pierre allait participer à un nombre impressionnant d'amarinages.

« La Comtesse de la Marck » était un petit corsaire de 20 tonneaux, muni de 2 canons et 6 pierriers, monté par 30 hommes d'équipage.

Son faible tonnage ne lui permettait pas de s'aventurer en haute mer ni de prendre le risque d'y rencontrer des vaisseaux de guerre ou des corsaires ennemis et presque toutes ses prises, qui furent nombreuses et fructueuses furent faites dans le voisinage des côtes d'Angleterre ou de France au milieu des îles et des écueils où les navires de fort tonnage n'osaient le poursuivre.

    

au milieu des îles et des écueils les navires de fort tonnage n'osaient le poursuivre...

au milieu des îles et des écueils
les navires de fort tonnage n'osaient le poursuivre...



Pierre Cornic et son frère Charles

Dans ces conditions, « La Comtesse de la Marck » fit de nombreuses prises conduites dans différents ports du littoral pour y êtres vendues. A Morlaix, les archives de l'amirauté citent une douzaine de prises et cinq rançons, dont quelques unes de fort tonnage. Qu'on en juge : « Le Canard de Londres » 200 tonneaux le 23 septembre 1745, « Le Roi Georges » 12 tonneaux, armé de 7 canons et deux pierriers qui amena son pavillon après un rude combat, « Le Guillaume & Betsy » 80 tonneaux, « La fortune du Cap » de 230 tonneaux qui fut pris deux fois, en 1746 et en 1747... Célèbre est le coup d'audace exécuté par le fougueux équipage du « Comtesse de la Marck » le 10 mai 1747, dans la baie de Plymouth où, malgré la présence de nombreux vaisseaux de guerre Anglais à quelques encablures de là, ils capturèrent sans un coup de feu « le Truro », un petit navire de 25 tonneaux. Il y avait ce jour là aux côtés de Nicolas Authon, Pierre Cornic et son frère Charles, devenu célèbre sous le nom de Charles Cornic-Duchesne, Joseph d'Humières, Pierre Hervé, Keramédan-Huon, Colleau et une vingtaine d'hommes d'équipage.

Charles Cornic gagna la terre à la nage !

Charles Cornic
réussit à s'enfuir
et gagna la terre à la nage !

    

Après cet épisode, Pierre Cornic du Pré s'embarqua comme second lieutenant à bord de « La Sainte Marthe », puis second capitaine sur « La Providence » et enfin, commanda « L'aimable Reine ».

Fin 1747, Nicolas Authon partit commander « Le Vigilant », un corsaire de Saint-Malo qui fut pris par les Anglais après 1 mois et 19 jours de course, mais Charles Cornic-Duchesne, qui avait suivi Authon à bord de ce corsaire, réussit à s'enfuir et gagna la terre à la nage !



Charles Cornic surnommé « l'officier bleu »

Son frère Pierre, parti commander le corsaire « La Paix », 14 canons, 38 marins, n'eut pas cette chance et fut capturé par un vaisseau Anglais après une chasse de 4 jours qui avait contraint Cornic, pour tenter d'échapper à se délester de son canot, de son fourneau et de 9 canons, mais en vain, il fut pris par le navire de guerre de 64 canons « Le Hamptoncourt », capitaine Mostin. Pierre fut-il fait prisonnier ou s'en tira t'il en payant une rançon ? Les archives sont muettes à ce sujet mais notre homme réapparaît quelques années plus tard sans que l'on sache quel fut son sort...

Pierre avait plusieurs frères. L'un, avec lequel il avait navigué sur « La Comtesse de la Marck », le très fameux Charles Cornic-Duchesne, son cadet qui reçut ses lettres de maîtrise au long cours et au grand cabotage moins de 2 ans après lui, le 5 août 1756, s'illustra pendant cette guerre de 7 ans d'abord comme corsaire, puis à partir de 1757 comme officier de marine de Louis XV à bord successivement des frégates « Agathe » et « Félicité ». Au commandement de l'une, il escorta victorieusement 26 convois malgré les redoutables chasses Anglaises, et à bord de l'autre, il résista à l'attaque simultanée de trois vaisseaux ennemis les obligent à rompre le combat... Ce qui pour une grande part fit sa célébrité. Après 50 escortes effectuées sans pertes et plus de 20 navires ennemis pris, Cornic surnommé « l'officier bleu » prit le nom de Cornic Duchesne et fut fait chevalier de Saint-Louis en reconnaissance de ses illustres exploits. Il doit aussi sa notoriété pour ses états de services comme maître de port à Bordeaux, puis hydrographe et cartographe de la baie de Morlaix.

L'autre frère, Yves Cornic fut lui aussi capitaine de Corsaire, commandant du navire « Le Comte d'Hérouville » jaugeant 40 tonneaux armé de 8 pierriers, 8 canons, 70 marins, qui était cautionné par son père Mathurin Cornic. Ce bateau était une prise anglaise sans nom, faite par « l'Augustin de Dunkerque » et acquis en vente publique par Cornic le 8 Juin 1762 pour la somme 7378 livres. Déjà en 1744, à bord de « La Paix », qu'il commandait, il s'était signalé en reprenant le 29 juillet au corsaire anglais « le Rebourgeon », bien armé, « Le Pierre de Binic »... Entre-temps, capitaine de « l'Espérance » de Bréhat, de 36 tonneaux, il avait fait naufrage à Penmarch, mais s'en était fort heureusement sorti vivant...

Sources : Archives départementales, séries B (Fonds des Amirautés de Morlaix et de Quimper).


Auteur: Jacques Blanken - Reçu le 3 Janvier 2007 - Sous toutes réserves